Gemini et Solid, deux alternatives au Web (qu'il faut qu'on m'explique)
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Sommaire
Bon, je n’ai pas besoin qu’on m’explique pourquoi le Web n’est pas parfait, ça je suis au courant. J’imagine que vous aussi, mais je peux faire un petit résumé de ses problèmes :
* Le Web est devenu tellement complexe que seuls des clients très costauds permettent d’y naviguer confortablement ; par conséquent, seules des entités puissantes peuvent développer et maintenir lesdits clients. D’ailleurs, le 4 janvier 2021, la plus puissante de ces (trois) entités ne devrait accepter de connexion à ses services que depuis son propre client ou celui des 2 autres, tandis que la moins puissante en est réduite à mettre de la pub dans la barre d’adresse de son client.
* En se complexifiant, le Web est aussi devenu lourd. Il pèse sur les serveurs (je ne sais pas si la mode du Jamstack et des CMS statiques aura un impact positif là-dessus) et sur les clients (mais ça, on en avait déjà parlé dans les commentaires de ce journal sur Brave). Ne serait-ce qu’écologiquement, le fait qu’il faille un smartphone à 2 Go de RAM pour faire scroller un site moderne n’est pas de très bon augure.
* Vous connaissez la blague : aujourd’hui le Web, c’est 5 sites, chacun remplis de photos des 4 autres. Les portails de jadis ont muté en réseaux sociaux qui ont centralisé le Web, au grand dam de ses créateurs comme Tim Berners-Lee qui envisageaient le fonctionnement inverse.
* Et le pistage. Seigneur, le pistage. Vous imaginez si en l’an 2000, un voyageur du futur vous faisait lire le RGPD ?Voici pour les problèmes. À présent, laissez-moi vous parler des solutions. J’en ai découvert récemment deux, mais je vais avoir besoin de vous pour mieux comprendre en quoi elles consistent.
Gemini
D’où ça sort ?
D’un certain Solderpunk, avec le soutien notable de Drew DeVault, illustre hacker minimaliste connu pour le gestionnaire de fenêtres Sway et le réseau de code Sourcehut. DeVault s’est beaucoup lamenté de l’état du Web, et notamment de Mozilla à l’occasion de la récente vague de licenciements. Depuis quelques mois, il a donc travaillé à cette alternative.
Qu’est-ce que c’est ?
Gemini est un protocole. DeVault explique sur son blog que c’est « une évolution de Gopher ». Ne me demandez pas ce que c’est Gopher, je n’en sais pas plus que ce qui est écrit sur sa fiche Wikipédia.
Et donc, ça fait quoi ?
Ça fait des sites très, très minimalistes.
Les pages Gemini sont écrites dans un dialecte de Markdown réduit à peau de chagrin. On ne peut même pas mettre plus d’un lien par ligne ! Pour la décoration, ça se fait exclusivement côté client. D’ailleurs, pour surfer sur Gemini, il vous faut un client dédié, ou alors passer par une surcouche HTML telle celle liée ci-dessus.
En d’autres termes (si j’ai bien tout compris) Gemini est spartiate et compte bien le rester. La FAQ officielle de Gemini explique que le protocole est conçu pour être difficilement extensible, notamment dans un souci d’empêcher tout pistage. Elle explique également que la mission de Gemini n’est pas de remplacer le Web, mais simplement de proposer une alternative pour ceux qui préfèrent consulter du contenu ainsi.
Contrairement à la deuxième alternative dont je vais vous parler :
Solid
D’où ça sort ?
De Tim Berners-Lee en personne. Le patron du W3C y pense depuis 2009, et le projet Solid proprement dit existe depuis déjà 4 ans.
Qu’est-ce que c’est ?
Ce n’est pas exactement une alternative au Web, puisque Solid, que ses créateurs qualifient de plateforme, est fondamentalement un serveur qui fonctionne via le Web. Mais l’ambition du projet, résumée dans sa bio Twitter, est bien de remplacer le mode de fonctionnement actuel du Web par un système réellement décentralisé, où les utilisateurs contrôlent leur contenu, comme les ingénieurs du CERN l’avaient pensé dès le départ.
Et donc, ça fait quoi ?
C’est là que j’ai du mal à comprendre. J’ai ouvert un “pod” (c’est comme ça que ça s’appelle) sur une des 3 instances mises en avant sur le site officiel de Solid, et voilà à quoi ça ressemble :
Là-dessus, ne trouvant pas de documentation à l’usage des simples utilisateurs, j’ai commencé à cliquer un peu partout pour voir ce qu’il se passait, et j’ai pas eu l’impression qu’il se passait grand-chose. Le « pod browser » proposé sur Inrupt (la société commerciale de Berners-Lee) est moins moche, mais ressemble à une sorte de stockage nuagique sommaire – où je n’ai pas trouvé comment partager de contenu. Sans quoi, votre “pod” vous permet également de vous connecter à des applis ; là encore, sur les deux que j’ai testé, une (Notepod) n’avait rien de spécial, l’autre (Twee-Fi) m’affiche des pages vides. Je me trompe peut-être, mais tout ceci me semble encore très peu utilisable.
Et donc, comme je disais en titre de ce journal : faut qu’on m’explique. J’imagine bien qu’aucune de ces deux approches a vocation à résoudre tous les problèmes du Web, mais les démarches me paraissent intéressantes, et je serais curieux d’entendre votre avis éclairé à ce sujet.
En attendant, il y a un truc que je connais (un peu) mieux : l’IndieWeb, ce mouvement qui prône des pratiques de développement loin des plateformes fermées, en s’appuyant sur des technologies cool comme le Fediverse mais aussi les microformats, les Webmentions ou encore IndieAuth. Je me suis basé sur ces préceptes pour coder mon propre site ces derniers jours, et je compte bien continuer à creuser le sujet. en attendant de pouvoir proposer un site Gemini à visiter depuis son raspi400 ou bien son Mutida Pure
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